BASALTES, leur altération climatique
BASALTE
Qu’est-ce? C’est une roche ignée qui apparaît souvent à la surface de la Terre sous la forme d’une roche volcanique extrusive. Il existe divers basaltes car la composition peut varier beaucoup. Les basaltes sont gris ou noirs. Ils sont le constituant principal de la croûte océanique. La composition est alors de 50 % de plagioclases, de 25 à 40 % de pyroxènes, de 10 à 25 % d’olivine, de 2 à 3 % de magnétite. Ces basaltes sont issus de la fusion partielle du manteau terrestre de composition péridotitique (lherzolite) avec de l’olivine associée à des pyroxènes. Le basalte est une roche dite basique parce qu’elle est relativement pauvre en quartz. Les Trapps du Décan (Inde) en sont un exemple remarquable.
Fig. 1 – Zagami, une shergottite ; C’est un basalte originaire de Mars. On y voit de longs prismes de pyroxènes (augite et pigeonite) orienté selon le plan du cumulat. Quelques cristaux d’olivine informes complètent cette population, noyés dans un verre de feldspath (maskelynite) noir lumière polarisée croisée. La pyrrhotite (noire également), un sulfure primaire, complète la tableau.Si la lave s’est refroidie rapidement, le basalte est finement grenu. Mais il peut aussi contenir des cristaux isolés plus développés, noyé dans une fine matrice. C’est une structure porphyrique. La roche ignée aphanitique (sans cristaux visibles) contient en volume, moins de 20 % de quartz et moins de 10 % de minéraux feldspathoïdes (tectosilicates avec moins de silicium, comme la leucite, l’analcime, la néphéline, la sodalite) et ce basalte contient au moins 65 % de feldspaths sous la forme de plagioclases.
Comme la pétrologie est unique et s’étend aux planètes, les basaltes de Mars ont une texture similaire. Ainsi les shergottites (un clan de météorites martiennes) sont des roches ignées qui ressemblent aux eucrites (supposées originaires de l’astéroïde Vesta) de composition basaltique. De grands cristaux de pyroxènes et d’olivine côtoient des plagioclases souvent vitrifiés (formant la maskelynite).
ALTERATION
Roches très dures, les basaltes donnent l’illusion de l’inaltérabilité même aux humeurs du temps. Penser cela c’est ignorer le potentiel des actions chimiques des éléments atmosphériques, spécialement dans les zones humides tempérées. Ces roches compactes et résistantes présentent un tendon d’Achille, la présence de feldspaths et de verres, accompagnés aussi de pyroxènes, de titanomagnétite…
L’humus a un rôle aussi déterminant que complexe. Il possède des acides humiques (acides organiques) hydrosolubles qui vont dissoudre les minéraux cités ci-dessus. Souvent ignorée du grand public, il existe une chimie organométallique dans laquelle des molécules organiques classiques « phagocytent » des cations métalliques. Ce sont des composés très réactifs généralement, dont les propriétés catalytiques sont importantes. Un catalyseur est une molécule qui est capable d’abaisser les barrières de potentiel qui interdisent (ou retardent fortement) les réactions chimiques. L’addition de molécules organiques à des ions métalliques produit (dans certaines conditions) des « complexes organométalliques ». Ils peuvent être insolubles, ou solubles soit dans l’eau, soit le plus souvent dans des solvants organiques. Ils peuvent être inclus dans des polymères ou dans des gels. C’est évidemment le domaine d’extension actuelle (depuis 30 ans au moins) de la chimie organique fine.
La Nature avait trouvé avant nous les possibilités de ce type de catalyse. Songeons à des composés comme la chlorophylle (avec un cation de magnésium complexé, également dit « chélaté », par quatre noyaux pyroles dans une chlorine) ou à l’hémoglobine (un cation de fer complexé par une porphyrine, dans une protéine). Ces substances, et d’autres, furent d’ailleurs indispensables lors de la naissance de la vie. Or qui dit humus, dit complexation de métaux par des acides organiques.
Les constituants (anioniques) principaux des basaltes sont des silicates. Cette grande famille de minéraux est extrêmement variée. A fortiori que les silicates peuvent même être des aluminosilicates. En effet, le silicium peut donner entre autres structures, des charpentes tridimensionnelles, appelées tectosilicates, grâce à la polymérisation de groupes (SiO4). Mais en outre, un atome d’aluminium peut se substituer à un atome de silicium pour conduire aussi à ce type de structures. Tous savent que les feldspaths sont les minéraux les plus abondants de l’écorce terrestre. Ce sont des aluminosilicates de potassium (orthoclases), de sodium (albite) et de calcium (plagioclases). Ces trois familles sont corrélées entre elles dans des solutions solides et aussi dans des domaines limités par des exsolutions fréquentes (incompatibilité réciproque entre albite et orthose par exemple, à cause en particulier de la grande différence de rayon ionique qui existe entre le Na+ et K+, conduisant à un feldspath perthitique ). Si on ajoute à cela de nombreux clivages faciles, ces feldspaths ne sont pas si compacts et deviennent sujets aux imprégnations de réactifs extérieurs, comme les acides humiques sous l’action des agents atmosphériques. Les pyroxènes sont des silicates de magnésium et de fer. Le titane et le fer entrent dans la composition de la titanomagnétite (un oxyde de la famille des spinelles).
Ces acides humiques, au caractère acide d’une part, et chélatant d’autre part, sont très efficaces pour corroder les basaltes. L’aluminium, le calcium, le magnésium, le fer, le titane passent ainsi en solution ou forment des colloïdes avec la silice.
Ce gel organo-minéral résulte de la cofloculation et de la polymérisation des acides organiques. Une évolution différenciée conduit à former un milieu hétérogène, interdisant les migrations d’ions, résultant d’appauvrissements locaux et formant de micro-domaines appauvris en silice et d’autres enrichis en silice. Ces microsites hyposiliceux se trouvent parsemés dans un enchevêtrement amorphe hypersiliceux. Cette dernière phase est saturée par le fer et le magnésium. Ce milieu est nourricier de minéraux nouveaux (par rapport à ceux constituant le basalte) comme la beidellite. C’est un aluminosilicate naturel appartenant au groupe des argiles, du groupe des smectites. Il est ferrifère, magnésien et plus ou moins hydraté. Tout cela est alors protégé par l’humine. Les humines sont des complexes organo-minéraux amorphes, très polymérisés. Les humines de ce fait, ne sont pas extractibles de la fraction humifiée de l’humus. Elles diffèrent des acides humiques par ces liaisons chimiques les parties minérales, inorganiques donc. Ces complexes organominéraux amorphes, très polymérisés enrobent les feuillets et occupent les espaces interfoliaires des smectites, dont la beidellite. Ainsi la dégradation du basalte conduit à la formation d’argiles. Les tectosilicates sont devenus des phyllosilicates (feuilletés).
En conséquence, on constate que les humus et ses acides humiques et ses humines jouent un double rôle dans la transformation chimique des basaltes en argile. Ils sont successivement agent de corrosions chimiques et ensuite milieux protecteurs dans la dégradation climatique des basaltes. Un aspect cinétique est contrôlé par les degrés de saturation et de polymérisation de ce gel gonflé d’eau. L’ensemble de ces réactions forme un processus unissant des attaques acides et des réactions de complexation (chélation) des métaux issus de la dégradation des basaltes. Si le climat ne favorise pas les sols organiques, d’autres processus de dégradation des basaltes interviennent basés sur des dissolutions acides ou basiques. Les gels subissent une chute de la saturation en métaux et en silicium. L’aboutissement chimique de ce milieu conduit à l’apparition d’halloysite.
CONCLUSION
La genèse d’argile par la dégradation des basaltes en milieu tempéré sous l’action de l’humus est le fruit d’une action vraiment efficace de dissolutions acides et de complexations subséquentes des cations. Les points faibles dans la texture du basalte sont en premier lieu la susceptibilité des nombreux feldspaths d’être attaqués chimiquement par les acides humiques ainsi que les micro-clivages existant dans ces minéraux. Les minéraux primaires sont ainsi dégradés par la complexation des divers cations comme Al3+, Fe3+, Ti4+, Mg2+, Ca2+… Une nouvelle insolubilisation s’ensuit avec une polymérisation et un emprisonnement dans le gel protecteur. Les pyroxènes sont également altérés et les olivines donnent des serpentines. Cependant la complexation est sélective et dépend de la nature des électrons de valence du métal. Sont ainsi insérés dans un complexe organique, les cations Al3+, Fe3+, Ti4+, Mg2+ alors que Si4+, Na+, K+, Ca2+… ne sont pas complexés ou beaucoup moins. Des discontinuités apparaissent dans le gel créant des sites hyposiliceux et d’autres hypersiliceux.
L’halloysite prend naissance dans les micro-domaines pauvres en silicium sous la forme de glomérules. Les domaines sursaturés en silicium gonflés par l’eau créent l’expansion des feuillets silicatés, grâce à la structure même des smectites (beidellite). Puis le système chimique se stabilise, ayant atteint un équilibre après la neutralisation des fonctions acides et la très grande polymérisation du gel qui interdit toute dégradation acide ultérieure.
Référence :
http://horizon.documentation.ird.fr/exldoc/pleins_textes/cahiers/PTP/18578.PDF