Allende, la messagère qui ne déçoit jamais… CAI's

Allende, la messagère qui ne déçoit jamais…

Amoureux des roches terrestres, je ne pouvais pas oublier les inclusions réfractaires qui ont formé avec les chondres primordiaux, notre belle planète. Je me suis donc intéressé aux CAI’s. Je ne suis évidemment pas un précurseur, ni le dernier.

Mais trouver une belle photo d’une CAI sur la toile reste agaçant : que des banalités je pense.

J’ai donc placé une tranche d’Allende (who else ?) sur la platine de mon microscope, éclairé en lumière polarisée coaxiale. Cela permet de photographier à une distance de moins d’1 mm. Attention à la casse de l’objectif !

Malgré que la tranche soit de qualité (David New), mes essais à 400 x furent un échec. Des montagnes de flous.

Mais à 200 x cela va déjà (largeur du cliché = 0.6 mm). Pas mal pour voir au-delà de 4,567 milliards d’années. C’est la photo du jeu.



 

Puis j’ai agrandi le champ, passant à 100 x (FOV = 1,25 mm),
puis 40 x (FOV = 3 mm).

Bien que ce soit encore une petite surface, on reconnait alors aisément une CAI, accompagnée d’un chondre.

Pourquoi aller chercher midi à 14h, j’ai choisi de vous présenter la reine des météorites étudiées, Allende CV3.2 ox.

 

La photo suivante montre qu’une CAI n’est pas homogène, les derniers cristaux s’accrétant en couches successives.

 



 

La matrice enveloppe les CAI’s et les chondres.

 



 

Un joli chondre. C’est ici qu’on voit la puissance de lames minces transparentes qui autorisent une première analyse en ajoutant des couleurs en fonction de la biréfringence des minéraux.

 



 

Les 2 autres photos donnent des détails du chondre.

 



 



 

Ce n’est pas le lieu de continuer par un article, mais ce qu’il serait intéressant de souligner, c’est la séquence des cristallisations en fonction de la descente des températures, partant de l’alumine pour aboutir à des feldspaths…

 

Fine Lame.

Merci pour le partage de ces belles photos et des commentaires !

Merci Roger.
Et le CAI est beaucoup plus grenu que je pensais.

Superbes photos merci

Sous une lumière polarisée croisée à 90° (XPol), les microcristaux de viennent invisibles, car chacune des composantes individuelles de lumière est compensée par une autre du grain voisin. L'ensemble est alors en extinction  (noir).
La photo en lumière blanche simplement réfléchie (comme sur tous les objets que nous voyons) apporte donc un intérêt dans l'examen, même si l'identification n'est guère possible. Mais ces conditions demandent un objet quasi parfait, sans cavités ce qui est souvent le cas.
Mais l'image est cependant purifiées par un examen en lumière polarisée.
 
Fine Lame.

Je viens de lire ton article Roger. Merci pour toutes ces explications !

Je vous en prie, c'est toujours un plaisir.

si je peux me permettre une question CAI est un acronyme de quoi ?
 bon au passage , je vois bien la différence entre un Chondre et une CAI  ....
tout n est pas perdu ^^^merci pour vos posts

xaar a écrit:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Inclusion_min%C3%A9rale_riche_en_calcium_et_en_aluminium

merci
donc la CAI est arrivé en premier et le reste c est aggloméré  apres ?

Bonjour,
 
Une CAI est un acronyme anglais (vous y êtes habitués les Français, moi qui ne comprends plus les JT sur vos chaînes, c'est d'ailleurs parfois heureux).
Cela veut dire Calcium, Aluminium, inclusion, bien qu'il y ait aussi du titane, etc.
Ce sont le plus souvent des oxydes, car ils sont très réfractaires et fondent à de très hautes températures >>> 2000 °C, parfois en se décomposant.
Il est donc logique que quand la nébuleuse se refroidit, les divers oxydes cristallisent en premier lieu, en très petits grains cristallins (un givre minéral) en suspension qui finissent par s'agglomérer en grumeaux ayant la forme d'un cumulonimbus. Des silicates très réfractaires (mais moins que les oxydes) sont de la partie, comme des pyroxènes.
C'est dû au fait que la liaison Al-O est très forte et le corindon est le minéral naturel abondant le plus dur après le diamant, ayant ainsi une forte cohésion et une grande densité pour des éléments si légers.
 
Reste le reste, dont spécialement l'olivine... et les autres silicates: pyroxènes et feldspaths (jamais d'amphiboles).
Sans compter les étrangers bronzés non silicatés (opaques en lames minces) comme la troilite et la schreibersite (sulfure de fer et phosphure de fer et nickel, c-à-d le ferronickel oxydé par le soufre, rien de plus logique dans la nébuleuse).
Tout cela s'assemble par gravité et finit par former une roche silicatée. Il s'y trouve donc un peu de tout, dont évidemment les chondres qui sont l'expression de la plus grande partie de la matière condensée qui s'agglomère bien, forme des gouttelettes fondues et se recouvre d'une croûte de débris épars qui s'y collent. C'est la "rim", mot dont je n'ai pas trouvé de bonne traduction communément acceptée.
 
À cela, il existe une belle exception: l'olivine, silicate de base du Mg, est tellement abondante dans l'une de ces petites gouttes qu'il lui arrive de cristalliser seule (c'est l'un des composés les plus importants du manteau terrestre profond) formant donc de "gros" cristaux par rapport au chondre de taille habituelle = 0,5 à 2,5 mm. Pas n'importe comment, mais brutalement (1 ou 2 heure? Je pense moins).
Vous connaissez un autre exemple: la neige forme des étoiles, réels cristaux de glace dit squelettiques. C'est typique d'une cristallisation brusque.
La matière de se dépose préférentiellement sur les sommets (facilement accessibles) et les arêtes et n'a pas le temps de combler les surfaces des faces. C'est la cinétique qui contrôle ces phénomènes en fonction de la température, de la concentration du matériau, etc. Les arêtes et les sommets sont donc plus facilement accessibles et la construction se fait donc comme un flash.
Ce cristal enfermé dans sa bulle gravitationnelle est obligé de se replier sur lui-même. Mais le réseau cristallin n'est pas déformé; il est unique même parfois étendu à la "rim".
La teinte identique en LPA le prouve.
 
La physique est une science logique quand pour moi on ne taquine pas Einstein.
Et le chondre à olivine barrée alors, qu'est-ce?
Pour autant qu'il n'y ait qu'un groupe de barres parallèles, c'est un monocristal replié sur lui-même comme une lasagne. Bizarre? Non car là-haut in illo tempore, il n'y avait pas de chimiste pour purifier les gouttelettes nourricières de silicates fondus en suspension comme l'eau (et le virus) dans un brouillard. Et en plus, la cristallisation était rapide.
Donc le cristal d'olivine s'est figé d'un bloc, gêné par les restes du repas (autres silicates, feldspaths, et même de l'olivine) en les enfermant en micro-grains dans les replis de sa lasagne.
Quand une phase est microcristalline, elle apparaît en noir sur les lames minces examinées en polarisation croisée. Mais, souvent un certain métamorphisme thermique débute, recristallisant les plus gros grains aux dépens des plus petits (un principe bien supporté par la Nature!). Alors, la lasagne d'olivine barrée montre ses microminéraux intercalaires plus colorés. Et quand le métamorphisme est trop grand, le chondre éclate, perdant sa "rim" et abandonnant des grains épars de divers silicates. Les barres d'olivine résistent davantage.
Un dernier mot pour compléter l'image du chondre, quel qu'il soit BO, POP etc. Il est noyé dans la matrice de la chondrite (carbonée CV3 est l'idéale pour cette prose) avec les grains épars, les écailles de Fe-Ni et les sulfures et phosphures. Cette matrice est aussi microcristalline et donc reste noire en LPA.

Histoire de grand-père (que je ne suis pas).

Quelles explications !!
Merci beaucoup Roger de nous instruire ainsi ! Même si tout n'est pas évident à comprendre pour un néophyte mais il y a matière à relecture

Excellente synthèse, merci Roger !

Merci à tous.

Merci Roger pour votre post ( et en général pour tout vos post )
 en vous lisant , a chaque fois certain d entre nous sortent de l ignorance .. ( moi le premier )
le partage des connaissances est une valeur qui se perd ........
merci encore

Merci à tous,
Mon secret, j'essaie de ne pas penser au reste qui nous enveloppe.
J'ai bâti une "rim" de pensées protectrices.
Penser  la Science me rajeunit. Je n'ai aucun mérite.
Au contraire, je vous remercie de me lire.

Je vais montrer ça à Vinciane lors du prochain cours, on est en plein dans le sujet. En vous citant, bien sûr. Merci !

Bonsoir Serge,
Vinciane est une pro. Moi je ne suis qu'un guide parallèle.
Elle connait tout cela.
Ma supériorité réside dans le fait que l'âge me donne des touches de philosophie.
Bonne soirée Serge.