What is it ?

Bonjour,

 

Je souhaite vous emmener hors des sentiers battus. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas à apprendre dans nos cheminements habituels, mais à force de les parcourir les regarde-t-on encore ?

Voici la question que je me pose : reconnaîtrez-vous cette lame mince ? Qu’est-ce ?


 

Suggestion de néophyte intrigué !
Pour une LL4, il ne s'agit manifestement pas d'un chondre donc ... peut-être une sorte d'inclusion (claste ?). mais de quoi ? Il faudrait peut-être en savoir plus sur son aspect selon les angles en lumière polarisée et son aspect en lumière non analysée (à moins que ce soit justement le cas ?)
Si c'est en lumière polarisée analysée, je suis intrigué par la zone blanche, sinon c'est un simple vide).
Mais quel est cette matière jaune très uniforme avec néanmoins des marques de clivage (ou de simple fissure ?). Soit un feldspath mais que fait-il là, soit une sorte de minéral fondu non cristallin qui s'est introduit dans une fissure de la chondrite, le reste étant de la matrice de la LL4.
Sinon, je donne ma langue au chat ...
Patrice le néophyte avec peu de connaissance mais avec beaucoup d'imagination fantaisiste

Pas si néophyte que cela. Heureux chat…
Si vous faites attention à mes derniers courriers, vous verrez que je parle souvent de zones opaques.
Donc je regarde le noir des chondres ou de la matrice.
A bientôt,
Roger.

L'énigme s'assombrit ...

Je vois dans les parties sombres des formes cristallines couleur brun rougeâtre et il s'agit peut-être de chondres en voie de métamorphisation ?
Mais pourquoi l'ensemble est-il si sombre, à nouveau le chat va se régaler (si il a un bon estomac ...)

Pouvez-vous nous dire comment cette lame est éclairée pour cette image ?

patrice

A propos de lame mince et de partie sombre, je vous recommande la "Meteorite Picture of the Day" d'aujourd'hui:

http://www.tucsonmeteorites.com/mpodmain.asp?DD=08/12/2018

Ne cherchez pas midi à 14 h. J'ai photographié par réflexion une inclusion opaque.
Que voyez-vous maintenant ?

Si je ne me trompe pas, on dirait qu'on a une phase métallique.
La partie de couleur jaunâtre serait de la kamacite et la partie blanche serait de la taénite.

Ce ne serait pas la croûte (rim, enceinte, couronne...) d'un chondre ?

Mais oui, je vous réponds bientôt. C'est bien une couronne impériale d'un chondre ornée de son diamant! Une image évidemment.

Bonjour,

L'idée est excellente, mais il y a une erreur.

La partie très réfléchissante est bien du métal. Quel métal ?

Ici il faut se souvenir que ce sont des chondrites et le métal n’est pas le même que celui des fers différenciés. Il y a eu une diminution du taux de Ni dans la phase métallique.

Les paillettes sont en kamacite. Et donc il n’y a certainement pas de taenite riche en Ni.

En outre la texture ne correspond pas. Dans les fers, la taenite se sépare (exsolution) dans sa cristallisation de la phase kamacite, tout en gardant le même super réseau cristallin. Et ainsi de suite, le cycle se répète à l’infini, sur des durées de refroidissement très longues (millions d’années). Dans un chondre, les durées des phénomènes sont courtes.
En minéralogie, on aurait pu dire que c’était une épitaxie.

Donc les spots blancs sont de la kamacite.

 

Et les jaunes – beiges ? C’est du sulfure. D’où vient ce sulfure? De la troilite FeS bien sûr.

Nous avons ici la carte mémoire d’une boîte noire qui va nous dire quelle fut l’évolution du chondre avant et après sa formation, et aussi lors de ses nombreuses rédemptions…

La troilite FeS se décompose en Fe (kamacite) et S (soufre) et réciproquement, S + Fe donne FeS selon les évolutions des températures (et conjointement des fugacités en soufre, etc.).

On admirera sur la photo le contact étroit entre la troilite et le métal désulfuré, preuve de l’évolution d’une seule et même particule opaque.

 

Il existe bien sûr d’autres sulfures comme la pyrrhotite… du phosphure de Fe (schreibersite Fe₃P) et aussi des oxydes, surtout des spinelles comme la magnétite et la chromite.

Et également en faibles quantités selon les chondrites, de la pentlandite, un sulfure mixte de Ni et Fe : (Fe,Ni)₉S₈.

 

Une remarque importante s’impose : dans un chondre, le métal ne provient pas en principe de la réduction primordiale mais bien de la décomposition (désulfuration) de la troilite. Ainsi, le métal est régénéré pendant la formation du chondre. Le soufre perdu des chondres se recondense lors de leur refroidissement et les chondres métalliques deviennent des sites possibles. Ainsi se forment les couronnes métalliques garnissant la surface du chondre.

Une grande partie du métal régénéré dans la formation du chondre réagit à nouveau avec le soufre durant le refroidissement du chondre.

Il s’en suit une carapace métallique et/ou sulfurée qui enveloppe le chondre « armuré » (armored chondrule). Les coques totalement sulfurées ne sont pas rares, mais leur aspect est noir.
Les générations de sulfures sont multiples : préformation et post-formation du chondre, avec désulfurations selon le métamorphisme thermique, etc...

Merci Roger : très belle explication. J'étais très loin de la bonne réponse !

Cette genèse du fer (kamacite) par réduction du sulfure (troilite) au sein d'une chondrite est pour moi une découverte. Je ne savais pas qu'il y avait en œuvre des mécanismes d'oxydoréduction de cette nature. Je pensais que les métaux (Fe ou Ni) existaient initialement à l'état d'oxydation 0 et que seulement, ensuite ils s'oxydaient en oxydes, sulfures, etc ...
Peut-on penser que les noyaux ferreux des astéroïdes différenciés (et des planètes) résultent d'un même type de mécanisme passant par des états d'oxydation multiples qui s'achève par la "ségrégation" complète en noyau métallique ? Mais, si il y a réduction du Fe2+ en Fe 0, il faut trouver les électrons quelque part : cela veut-il dire que c'est l'oxygène et/ou le soufre qui sont les donneurs d'électrons (oxydants) ? Et est-il possible de rencontrer du soufre à l'état de soufre (0) et non de sulfure (+2) dans une chondrite ?

Vivement une autre énigme ! C'est passionnant et très pédagogique, encore merci.

Patrice

Edit

Magnifique explication, après coup tout devient clair, presque évident.
Je me suis royalement fourvoyer en considérant le métal comme celui d'une octaédrite!